Je suis en réflexion. Il réfléchit.
Je prends des notes pour un nouveau projet de roman. Il y aura encore de la musique. Mais plus en background cette fois-ci. Mais là n'est pas la question. D'ailleurs je ne vous en parlerai pas. Si on parle de ce qu'on est en train d'écrire, on ne peut plus écrire.
Je devrais plutôt dire, si JE parle de ce que JE suis en train d'écrire, JE ne peux plus écrire. Pour moi, le dentifrice est sorti du tube.
Plus tard, quand je tente d'écrire ce dont j'ai parlé la veille, je n'écris pas, je tente de reproduire ce que j'ai dit. C'est un processus très différent. The bloom is off the rose, comme le disait Jerry Wexler à Steven Morris alors que ce dernier l'interviewait sur ses secrets de producteur de disques légendaire pour les fins de son film Piano Man, un documentaire sur le parcours fascinant du mystérieux pianiste de Rythm & Blues, Harry Van Walls.
Jerry Wexler nous expliquait (car j'y étais aussi) comment un producteur doit avoir l'instinct pour savoir quand la prise qu'on vient de faire est la bonne et passer à autre chose. Sinon, on fait une autre prise, puis une autre. Plus rapide, plus lente, plus punchée, plus soft... Bientôt, the bloom is off the rose, on n'a rien obtenu de bon et tout le monde est vidé.
Jerry Wexler avait 88 ans quand il nous avait fait l'honneur de nous inviter dans sa maison de Sarasota, en 2005. En fait, c'est Steven qu'il invitait. Moi, j'opérais la caméra et tentait de me faire tout petit.
Mais parce que le bonhomme avait tout de même enregistré et produit Ray Charles, Aretha Franklin, Bob Dylan, Led Zeppelin et même Dire Straits, entre autres, inventé le terme Rhythm & Blues, et co-dirigé l'étiquette Atlantic à ses heures de gloire, je me disais: écoutons-le.
Et c'est ce qu'il disait. Il faut savoir créer les bonnes conditions pour que l'artiste s'exprime, puis laisser l'artiste s'exprimer.
En parlant de Ray Charles, Wexler aimait à dire que Ray était si doué que tout ce que Wexler et son collègue Ertegün avaient à faire pour qu'il enregistre un Hit c'était d'allumer les lumières du studio. Et en plus Ray Charles, il n'en avait même pas besoin, de lumière.
Je trouve que c'est un peu la même chose pour l'écriture. On a tous en soi un musicien de R&B aveugle qui ne demande qu'un espace pour enregistrer son Hit. Mais il faut lui procurer certaines conditions.
Et je ne parle pas des conditions physiques, matérielles, de temps ou d'espace, d'alcool ou d'inspiration.
Je parle du moment où on est "en écriture" et où la matière émerge.
Comment contenir la saucisse qui sort de la machine. Comment effectuer le contrôle de la qualité sans interrompre le débit de la machine? Comment s'assurer que la machine ne roule pas à vide et que, dépourvue de chair, elle ne produise que de boyaux remplis d'air?
Il y a un égal danger, je crois, à vouloir façonner des saucisses idéales, individuellement parfaites.
C'est un mélange étrange. Il faut être absolument impitoyable avec soi-même et ce qu'on écrit. Il faut aussi savoir être tendre. Il faut s'auto-apprivoiser, en quelque sorte, afin qu'un jour, l'écrivain en soi vienne manger dans sa propre main. Et à force d'en prendre soin, il peut apprendre à nous rendre des services dans la maison. Comme celui de nous rendre heureux.
Je ou il? Je me demandais si j'allais écrire ce nouveau roman à la première ou la troisième personne.
Il l'ignorait.
Je prends des notes pour un nouveau projet de roman. Il y aura encore de la musique. Mais plus en background cette fois-ci. Mais là n'est pas la question. D'ailleurs je ne vous en parlerai pas. Si on parle de ce qu'on est en train d'écrire, on ne peut plus écrire.
Je devrais plutôt dire, si JE parle de ce que JE suis en train d'écrire, JE ne peux plus écrire. Pour moi, le dentifrice est sorti du tube.
Plus tard, quand je tente d'écrire ce dont j'ai parlé la veille, je n'écris pas, je tente de reproduire ce que j'ai dit. C'est un processus très différent. The bloom is off the rose, comme le disait Jerry Wexler à Steven Morris alors que ce dernier l'interviewait sur ses secrets de producteur de disques légendaire pour les fins de son film Piano Man, un documentaire sur le parcours fascinant du mystérieux pianiste de Rythm & Blues, Harry Van Walls.
Jerry Wexler nous expliquait (car j'y étais aussi) comment un producteur doit avoir l'instinct pour savoir quand la prise qu'on vient de faire est la bonne et passer à autre chose. Sinon, on fait une autre prise, puis une autre. Plus rapide, plus lente, plus punchée, plus soft... Bientôt, the bloom is off the rose, on n'a rien obtenu de bon et tout le monde est vidé.
Jerry Wexler avait 88 ans quand il nous avait fait l'honneur de nous inviter dans sa maison de Sarasota, en 2005. En fait, c'est Steven qu'il invitait. Moi, j'opérais la caméra et tentait de me faire tout petit.
Mais parce que le bonhomme avait tout de même enregistré et produit Ray Charles, Aretha Franklin, Bob Dylan, Led Zeppelin et même Dire Straits, entre autres, inventé le terme Rhythm & Blues, et co-dirigé l'étiquette Atlantic à ses heures de gloire, je me disais: écoutons-le.
Et c'est ce qu'il disait. Il faut savoir créer les bonnes conditions pour que l'artiste s'exprime, puis laisser l'artiste s'exprimer.
En parlant de Ray Charles, Wexler aimait à dire que Ray était si doué que tout ce que Wexler et son collègue Ertegün avaient à faire pour qu'il enregistre un Hit c'était d'allumer les lumières du studio. Et en plus Ray Charles, il n'en avait même pas besoin, de lumière.
Je trouve que c'est un peu la même chose pour l'écriture. On a tous en soi un musicien de R&B aveugle qui ne demande qu'un espace pour enregistrer son Hit. Mais il faut lui procurer certaines conditions.
Et je ne parle pas des conditions physiques, matérielles, de temps ou d'espace, d'alcool ou d'inspiration.
Je parle du moment où on est "en écriture" et où la matière émerge.
Comment contenir la saucisse qui sort de la machine. Comment effectuer le contrôle de la qualité sans interrompre le débit de la machine? Comment s'assurer que la machine ne roule pas à vide et que, dépourvue de chair, elle ne produise que de boyaux remplis d'air?
Il y a un égal danger, je crois, à vouloir façonner des saucisses idéales, individuellement parfaites.
C'est un mélange étrange. Il faut être absolument impitoyable avec soi-même et ce qu'on écrit. Il faut aussi savoir être tendre. Il faut s'auto-apprivoiser, en quelque sorte, afin qu'un jour, l'écrivain en soi vienne manger dans sa propre main. Et à force d'en prendre soin, il peut apprendre à nous rendre des services dans la maison. Comme celui de nous rendre heureux.
Je ou il? Je me demandais si j'allais écrire ce nouveau roman à la première ou la troisième personne.
Il l'ignorait.